L’ancienne eurodéputée portugaise, Ana Gomes, a accablé le Maroc et confirmé la création d’un réseau de corruption au sein de l’institution continentale au profit du Makhzen.
Dans un témoignage diffusé par la Radio-Télévision belge de la Communauté française (RTBF), Ana Gomes, qui a passé 15 ans dans l’hémicycle du Parlement européen, l’un des principaux prévenus dans l’affaire « Morocgate », l’ancien député italien Pier Antonio Panzeri, confirme que le Maroc est passé par cette dernière pour influencer les politiques européennes.
Cet ancien diplomate et homme politique portugais qui a travaillé avec lui, entre autres, dans une délégation parlementaire avec les pays méditerranéens, à la commission des affaires étrangères du Parlement européen ou encore à la sous-commission des droits de l’homme qu’il a présidée entre 2014 et 2019, assure que depuis 2012-2013, un « lobby pro-marocain (s’est) de plus en plus structuré au sein du Parlement européen ».
Selon Ana Gomes, deux hommes, issus du courant politique socialiste, étaient impliqués dans la manœuvre : un Français, Gilles Pargneaux, qui se présentait comme conseiller du roi du Maroc et donc de Panzeri. L’ancien député européen a révélé que partout, les élus italiens « travaillaient à saper, à boycotter toutes les initiatives qui déplaisaient au Maroc, que ce soit en matière de droits de l’homme ou à propos du Sahara Occidental », rapporte la presse belge.
Mme Gomes, qui soupçonnait des actes de corruption du Makhzen via Panzeri depuis 2019, regrette que son groupe parlementaire n’ait pas entendu ses avertissements à l’époque. Suite à l’échec d’un important accord sur la pêche et l’agriculture entre l’Union européenne et le Maroc, Gomes a commencé à douter de l’existence de ce réseau.
« Le lobby pro-marocain s’est déchaîné assez furieusement. Même Panzeri, qui jusque-là avait été assez astucieux et furtif pour soutenir les positions du Maroc, est devenu très ouvert. Je me souviens d’avoir eu de grandes discussions, moi-même et d’autres collègues, en groupe plénier, disant que la position défendue par Pargneaux et Panzeri n’était pas possible, et là j’ai lancé peut-être mon alerte la plus véhémente : ces positions étaient des positions qui ne correspondaient pas à nos valeurs et principes. Ce sont des postes d’agents du Maroc. . Ce n’était pas normal. Ce n’était pas seulement une question de position politique. Il y avait autre chose », se souvient-elle.
Pratiques « machiavéliques »
Révélant aux journalistes de la RTBF des documents et reportages marocains officiels et confidentiels divulgués sur la toile (Plan d’action 2013 du Parlement européen), elle évoque des mails de Panzeri et Pargneaux qui l’ont invitée à plusieurs reprises au Maroc.
« Nous avons reçu des invitations à des voyages qu’ils nous ont décrits comme de magnifiques voyages. Bien sûr, il s’agissait de voyages payés par des Marocains. Et des voyages qui conviennent aux Marocains pour nous montrer ce qu’ils veulent. Bien sûr, je n’ai jamais accepté. Mais malheureusement j’ai bien peur que certains membres aient accepté d’y aller et c’était une (façon) de capturer les membres. Pas seulement pour les exploiter. Mais pour les capturer », dit-elle.
Qualifiant les pratiques du Makhzen et de leur chef de réseau au Parlement européen, Panzeri, de « machiavéliques », Ana Gomes assure qu’après avoir échoué à briguer un autre mandat en 2019, l’ancien eurodéputé « a profité des réseaux qu’il a construits ». pendant ses trois mandats pour continuer à servir les intérêts du Maroc.
Et cette fois, par le biais de son ONG de défense des droits de l’homme, qu’il a baptisée Fight Impunity (combattre l’impunité, ndlr), rapporte la presse, confirmant que pour elle « il n’y a aucun doute » : Panzeri est bien « le personnage central ». » du Marocgate. Et son ONG serait l’instrument par lequel il corromprait les députés européens et leur pouvoir d’influence, au profit des Marocains.
« Ils n’ont pas eu tort de choisir Panzeri comme chef, conclut-elle. Parce qu’il était intelligent. Au point où il a eu cette perversité, une fois sorti du Parlement, il a créé une ONG avec des tentacules dedans, pour continuer à s’infiltrer et influencer les intrigues. C’est vraiment machiavélique », a-t-elle déclaré.
Panzeri devait être informé mardi de la prolongation ou non de sa détention provisoire d’un mois.
Par ailleurs, selon des médias italiens, la cour d’appel de Brescia (Nord) a accepté que la fille de Panzeri soit remise à la Belgique après que le juge belge Michel Claise a demandé son extradition.
La justice accuse la fille de l’ancien eurodéputé italien d’être « pleinement au courant des activités illégales » de son père. La justice italienne avait déjà accepté, il y a trois semaines, que l’épouse de Panzeri, Maria Dolores Colleoni, soit extradée pour les mêmes raisons.
Pier Antonio Panzeri fait partie d’un quatuor de suspects emprisonnés pour « appartenance à une organisation criminelle », « blanchiment d’argent » et « corruption ».