La mort récente de l’un des hauts responsables des centres secrets de détention pour torture au Maroc a été l’occasion pour ses victimes de témoigner sur les graves violations des droits humains et autres abus qu’elles ont subis.
Dans un article intitulé « La mort du commissaire Kaddour Al-Youssoufi réveille les blessures de ses victimes », un site Internet marocain a recueilli des témoignages d’anciens détenus sur ce qu’a fait ce tortionnaire, qui dirigeait une prison secrète à Casablanca.
L’ancien prisonnier politique marocain, Fouad Abdelmoumni, a raconté, dans un billet publié sur sa page Facebook, son amère expérience. « Mon corps a souffert des atrocités qu’Al-Youssoufi et ses sbires m’ont infligées, et je sais qu’ils ont torturé mon père avant moi il y a quelques années », a-t-il déclaré.
« J’ai été témoin du comportement abject de l’homme et de la méchanceté de ses subordonnés. Ils ont délibérément déformé la réalité en prétendant qu’ils étaient capables de protéger le régime d’un danger réel et imminent, alors qu’en réalité ils avaient affaire à des personnes pacifiques et sans défense qui n’avaient commis aucun acte de violence ou de crime et n’avaient aucun lien avec aucune action politique », il ajouta.
A cet égard, il est revenu sur certaines méthodes de torture du régime makhzen, « telles que les menaces, les coups, les insultes, les mauvais traitements et la privation totale de soins et de contact avec le monde extérieur (…) ».
De son côté, l’historien et défenseur des droits de l’homme, Maâti Monjib a indiqué dans un post sur Facebook, que « ce tortionnaire était plein de créativité lorsqu’il s’agit de soumettre de jeunes opposants à toutes sortes de tortures physiques et psychologiques », ce qui en fait sait que « plusieurs militants victimes de ses méthodes misérables sont morts ou sont devenus fous ».
De son côté, le professeur d’université Abdellatif Zeroual, neveu de l’activiste marocain Abdellatif Zeroual (tous deux portent le même prénom), mort sous la torture dans les prisons du Makhzen, a assuré que « Kaddour Al-Youssoufi est considéré comme directement responsable, avec ses adjoints à la Division de la Police Nationale Judiciaire, d’avoir enlevé et torturé des dizaines, voire des centaines de personnes (dont certaines sont mortes, comme dans le cas d’Abdellatif Zeroual et d’Amine Al-Tahani) dans la prison secrète » de Casablanca.
« Kaddour et ses sbires n’étaient rien d’autre que le bras armé d’un régime tyrannique et corrompu qui continue de liquider et d’emprisonner ou d’apprivoiser systématiquement ses opposants » pour continuer à imposer ses diktats.
Quand le Makhzen vend l’image trompeuse d’un Maroc respectueux des droits de l’homme
Dans une précédente publication, l’ancien prisonnier politique marocain et actuel diplomate onusien, Jamel Benomar, racontait l’expérience de son enlèvement marocain. services de sécurité, et sa détention pendant plusieurs mois au centre de détention secret de Casablanca, menotté et les yeux bandés tout le temps.
Il a également dénoncé les pratiques de Kaddour Al-Youssoufi lors de révélations sensationnelles aux journalistes au milieu des années 1990 lorsqu’il a vu ce maître tortionnaire arriver du centre de Casablanca à l’Office des Nations Unies à Genève dans le cadre d’une délégation gouvernementale officielle qu’il est venu visiter présenter un rapport au Comité des Nations unies contre la torture, vendant l’image trompeuse d’un pays respectant son engagement envers les normes internationales.
Le diplomate marocain a conclu son message en disant : « Beaucoup de mes compagnons prisonniers d’opinion sont morts sans avoir vu le véritable changement politique auquel nous aspirions, mais beaucoup de nos tortionnaires sont encore en vie et profitent de la retraite, jouissant de la protection de l’État et honteux impunité. (…) ».
Le Comité de coordination des familles de personnes disparues et victimes de disparitions forcées au Maroc a souligné dans un communiqué de presse intitulé « N’oublions pas les victimes de violations flagrantes des droits de l’homme au Maroc », que Kaddour Al-Youssoufi a supervisé l’interrogatoire et la torture . de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants appartenant aux mouvements militants les plus en vue au Maroc.
Il a également indiqué qu’un certain nombre d’entre eux sont morts « à cause de la torture ou de l’épuisement et de la malnutrition lors des pratiques que » supervisait Al-Youssoufi, notant que ce dernier « se délectait des cris de ses victimes ».
Le Comité a considéré que la mort d’Al-Youssoufi, sans connaître la vérité, tenir les tortionnaires responsables et préserver la mémoire, « démontre que le bilan des violations graves des droits de l’homme est toujours d’actualité, en particulier celui des disparus dont le sort est inconnu et des victimes de disparition forcée du Maroc ».