Les autorités marocaines ferment les yeux sur la culture du cannabis (ou kif, une fois sec) dans les montagnes du nord du Maroc, où cette plante familiale « pousse comme de l’herbe » et est même devenue « une source de revenus essentielle » pour les Rifains , écrit le mensuel français GEO citant des géographes et des chercheurs.
« On l’appelle ici kif, de l’arabe kayf, ‘plaisir’, lorsqu’on fume mélangé à du tabac noir », explique Abdellatif Adebibe, président de la confédération des associations de Sanhaja du Rif, une importante coalition de tribus berbères, cité par le magazine.
Depuis sa maison familiale, perchée à 1800 mètres d’altitude, sur les pentes du mont Tidirhine (nord), Abdellatif Adebibe résume : « Voici le point culminant du massif du Rif, pays du cèdre et du kif ».
À son tour, un cultivateur qui a souhaité garder l’anonymat à Ketama, une ville de la province d’al-Hoceima, nous assure : « Le cannabis est la seule plante qui a vocation à pousser ici.
« Le seul qui ait jamais réussi à interdire le cannabis ici est Abdelkrim el-Khattabi, l’illustre chef de guerre qui a fondé une république éphémère du Rif entre 1921 et 1926 », explique le géographe français Pierre-Arnaud Chouvy, spécialiste de la géopolitique de la drogue, cité par GEO.
En 1959, trois ans après l’indépendance du Maroc, le peuple du Rif est réprimé pour s’être soulevé contre un gouvernement qui l’a expulsé. En représailles, leur région est sans investissement depuis quatre décennies. Et nous avons porté notre attention sur leur existence, explique le magazine.
Dans les années 1960 et 1970, des hippies qui avaient découvert le Maroc et le chanvre vendu dans les souks entre des fagots de menthe et de persil, initient les paysans du Rif à transformer cet « or vert » en haschich, la résine de cannabis. Technique du Liban et d’Afghanistan. « C’était un Anglais qui nous a montré comment faire le meilleur haschich », raconte l’agriculteur anonyme. les principaux fabricants et exportateurs mondiaux de haschisch. 47.500 ha de culture de cette substance en 2018. Aussi, selon l’ONUDC, le Maroc est cité dans un cinquième des cas de confiscation de résine de cannabis opérés dans le monde sur la période 2014-2018.
Des capitaux illicites internationaux investissent directement au Maroc
Régions pauvres du Rif, zone montagneuse qui s’étend sur 500 km entre Tanger à l’ouest et la rivière Moulouya à l’est, cultive le kif en profitant d’une ancienne tolérance, datant du 19ème siècle et du sultan Moulay Hassan 1, rappelle le magazine français.
Cependant, Abdelatif Adebibe, le leader de la confédération des associations de Sanhaja du Rif, accuse ceux qui contrôlent ce secteur depuis d’autres régions du pays et à l’étranger et finance des gens d’ici. « Ils restent cachés, mais profitent de l’argent généré. »
Khalid Tinasti, directeur de la Commission mondiale sur la politique des drogues, confirme : « Le marché du Rif a radicalement changé au cours de la dernière décennie. La production n’est plus entre les mains de petits agriculteurs. Les capitaux internationaux illicites investissent directement au Maroc et contrôlent l’ensemble de chaîne de production, jusqu’au trafic vers l’Europe ».
Dans le même contexte, le magazine français note que si le haschich est cultivé au Maroc, son chemin pour atteindre les consommateurs européens traverse plusieurs pays, que ce soit par voie terrestre ou maritime.
Parmi ces pays, le magazine cite l’Espagne : la route « historique » des trafiquants entre par le détroit de Gibraltar. Les marchandises sont cachées dans les ferries et les bateaux de plaisance, mais depuis une vingtaine d’années, cette route est devenue plus dangereuse à mesure que les contrôles s’intensifient.
La drogue, poursuit la même source, fait un grand détour par les pays du sud et du Sahara (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad) où la surveillance est bien moindre. Et il atteint la Libye avant de continuer vers la Méditerranée et l’Europe ou vers l’est jusqu’en Egypte.
Pour rappel, le Conseil du gouvernement marocain a validé en mars dernier le projet de loi légalisant l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques.